François Mitterrand à l’Élysée, la Gauche espère. Qu’en reste-t-il 40 ans plus tard ? Tout le mois, Les Influences interrogent acteurs du moment et observateurs de toutes générations. Aujourd’hui : Robert Zarader, économiste, consultant en stratégies de communication, fondateur d’Equancy & Co, ancien conseiller de François Hollande raconte son espoir et son grand manque du 10 mai.

Chapitre II. EN MANQUE

Ce qu’il nous reste de ces années, c’est avant tout ce qu’il nous manque aujourd’hui.

Le goût des utopies, de la justice et des combats politiques reste toujours aussi fort pour y avoir goûté, grâce à l’artiste de la politique que fut François Mitterrand. Un président qui a su s’entourer de personnalités aussi fortes et différentes que Fabius et Bérégovoy, Badinter et Dumas, Mauroy et Rocard, Lang et Fiterman, Cresson et Jospin, Bianco et Delebarre… Certes, il fut moins « en avance » sur la prétendue féminisation politique, mais personne n’aura nommé une femme Premier ministre depuis le choix d’Édith Cresson.

Le regard rétrospectif de ces « 40 ans en arrière » ne fait ainsi que confirmer la différence du personnel politique de l’ancien monde avec celui de la start-up nation. Sur cet aspect, j’adhère à ce parti ringard du « c’était mieux avant ».

Des années 81, il nous reste aussi cette comparaison et des combats, comme celui que j’ai partagé à la création de SOS Racisme, l’enthousiasme des concerts et l’énergie de la lutte contre le racisme grâce à l’incroyable relation entre le « Vieux » et « Juju ». Des luttes vivaces contre les inégalités, pour de nouvelles libertés, de nouveaux droits. Beaucoup n’a pas été fait mais nous avions « envie de politique ». Pour le plaisir du débat idéologique partisan, intellectuels et souvent de mauvaise foi. Tout reste à réinventer, car le débat a laissé la place à des discours en silos, ou pire à des invectives entre crétins prétentieux, comme les définissait Pierre Dac : « Le crétin prétentieux est celui qui se croit plus intelligent que ceux qui sont aussi bêtes que lui. »

Cesser de cacher ses idées derrière le « en même temps » : voilà une belle ambition. Moi j’ai besoin de croire en des femmes et des hommes d’État, et partager des débats qui enrichissent, tout simplement. J’ai besoin de politiques colorées et variées, qui ne soient exclusivement ni noires ou vertes, et encore moins noires et vertes.

Alors, le manque a aussi ses mots et ses noms, en vrac, déposés dans ma mémoire…

Coluche et la parole. Mitterrand, Tonton et notre génération. Pierre Bérégovoy et le courage. Balavoine et l’engagement. Michel Bergé et Diego. Socrates et le football brésilien. Bob Marley et les disparus des « 27 ans ». Desproges et sa minute. Michel Hidalgo, son short et ses talents. Le Tribunal des flagrants délires. Canal Plus et Les Nuls. Les vrais Guignols de l’Info. Les radios libres, la presse libre, les journalistes libres. SOS Racisme, Juju, Harlem et les potes. Les premières fêtes de la Musique. Les jours heureux. Pierre Mauroy et le petit Quinquin. Édith Cresson, première « PM ». La première cohabitation et l’habileté politique d’un artiste. Georges Marchais et la fin des communistes. L’Heure de Vérité. Bernard Tapie, le bateleur talentueux. Séville et Schumacher. Mitterrand-Chirac : les débats. Mitterrand-Rocard : le baiser de la mort. Baltique ou Rocard. Robert Badinter et Roland Dumas : l’un pour le droit, l’autre pour le tordu. La fin de la peine de mort. La doctrine Mitterrand et l’humanité. Raphaël, Édouard et ma génération Mitterrand. Le premier déjeuner à l’Assemblée nationale de ma vie avec « Juju » et François Hollande. La crise du 20ème siècle et l’équipe de Lorenzi-Pastré-Tolédano. Et, le 4e anniversaire au McDo d’Amiens, le 21 décembre 1981, d’un futur président de la République…

PUBLIÉ LE 14 MAI 2021 PAR LES INFLUENCES