Courtière en assurances devenue la « papesse » de la téléréalité, Magali Berdah, souhaite aujourd’hui « parler de politique à ceux qui n’en parlent jamais ». Ces « gens » à qui elle parle, ce sont principalement des jeunes de 18 à 24 ans, désintéressés de la politique, abstentionnistes dont la principale source d’information s’effectue via les réseaux sociaux et que les politiques rêvent de toucher.

Le gouvernement l’a bien compris, et depuis plusieurs mois maintenant, il enchaîne les déjeuners, rendez-vous et échanges avec  la fondatrice de Shauna Events, entreprise spécialisée dans le placement de produits. Promotion des gestes barrières, SNU, dérives de la télé-réalité, ces sujets l’ont conduit à rencontrer Gabriel Attal, Elisabeth Moreno, Bruno Le Maire ou encore Marlène Schiappa, d’ailleurs victime d’un bad buzz à ce sujet. Magali Berdah dit avoir « rencontré presque tous les ministres […] sauf celui chargé du numérique. Je ne connais même pas son nom, c’est pour vous dire qu’il y a un problème. » Vous l’aurez compris, Magali Berdah est partout et a su s’imposer et imposer ses codes.

Totalisant 1 million de followers sur Instagram et 1,5 million sur Snapchat (sans compter les quelques 200 influenceurs qu’elle représente), la femme d’affaires dispose d’un réseau nettement plus important, plus vaste et surtout inatteignable par les candidats telle qu’ils communiquent à l’heure actuelle. S’adressant déjà à des abonnés convaincus par leur candidat respectif (213 000 abonnés pour Marine Le Pen, 206 000 pour Eric Zemmour ou encore 189 000 de Jean-Luc Mélenchon sur instagram), des influenceurs tels que Magali Berdah leur permettent de toucher une plus large communauté ne se souciant pas de l’élection et plus largement de politique.

Sa puissance numérique, la femme d’affaires l’a d’ailleurs mise au service de sa nouvelle émission sur YouTube « 24h avec … », lancée fin janvier. Cinq candidats à la présidentielle se sont prêtés à l’exercice : Eric Zemmour, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo et Valérie Pécresse. Son but : « aller en immersion avec chacun des candidats, d’essayer de comprendre qui ils sont, sans préjugés ni a priori ». Avec des questions assez simplistes qu’elle pose aux candidats « Êtes-vous raciste ? » « Êtes-vous homophobe ? », Magali Berdah cherche à vulgariser les propos des candidats tout en les interrogeant pour intéresser ceux qui ne suivraient pas la campagne. « C’est la grande nouveauté de cette campagne, par rapport à 2017 : après avoir longtemps usé de leurs propres canaux, les candidats de tous bords s’associent désormais à des leaders d’opinion qui ont leur propre communauté » explique le politologue Antoine Bristielle.

Il semblerait que son objectif ait été atteint à en lire les près de 2500 commentaires sous la première vidéo, celle d’Eric Zemmour, visionnée plus de 600 000 fois, qualifiée de « neutre », « impartiale » « objective ».

Mais cette nouveauté dans la communication politique pose la question de la légitimité des influenceurs – plutôt connus pour évoluer dans l’univers de la mode, du bien-être etc. – à parler de politique ainsi que l’encadrement législatif des réseaux sociaux. Magali Berdah aime à plaisanter (ou pas) qu’elle voudrait être ministre des réseaux sociaux, mais la politique peut-elle devenir un produit comme un autre ? Affaire à suivre …