Petit regard furtif dans la rue, dans le métro, au supermarché, chacun porte-t-il bien son masque ? Objet de contestation pour certains, objet de prévention pour d’autres ou tout au moins objet de consentement pour beaucoup, le masque est entré dans les mœurs mais aussi dans le débat !
Et le débat public ne s’y trompe pas : « Nous ne pouvons plus marcher dans une rue, flâner ou nous affairer, sortir sur un coup de tête ou poussés par la nécessité, sans nous mettre sur les lèvres et le nez ce bout de tissu chirurgical », s’agace le philosophe Bernard Henry-Lévi, « non le port du masque, n’a rien de liberticide » s’irrite de son côté, Raphaël Enthoven. En juillet, 85% des Français se disaient favorables au port du masque, en août, ce chiffre tombait à 64%. Et depuis cet été, des mouvements anti-masques s’élèvent un peu partout en Europe. Observés à la loupe par la Fondation Jean Jaurès, ces « antis » revendiquent leur refus d’obtempérer, au nom de leur liberté. A l’inverse, nous avons tous un voisin ou une voisine de palier (ou nous-même ?) pour qui sortir sans son masque relève de l’ineptie, y compris lorsqu’il s’agit uniquement de descendre les poubelles. Et du côté de la vie de bureau, de récentes études montrent que les achats de fournitures sont en hausse : une partie des Français déserterait-elle les open spaces au profit d’une installation durable dans le télétravail ? Là au moins, plus besoin de se poser la question du masque. Alors pour ou contre ? Contre ou pour ? Plus personne n’envisage aujourd’hui d’être masqué ou démasqué sans opinion. Du quidam à la personnalité publique, chacun y va de son analyse et de son ressenti !
Et ces opinions qui émergent sont riches de symboles, avec, surpassant tout le reste, l’épineuse question de la liberté. Liberté de revendiquer ses libertés individuelles. Liberté d’appeler à une responsabilité collective. En mai dernier, déjà, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), s’interrogeait sur l’ambivalence de l’état de confinement : « Le confinement, en tant que mesure sanitaire collective, a provoqué des effets sur tous les aspects de la vie, à l’échelle individuelle et collective, sanitaires, politiques, économiques, sociaux, culturels, psychiques, qui ne le rendent ni souhaitable, ni acceptable dans la durée ». Ne pourrions-nous pas en dire de même pour le port du masque rendu obligatoire ? Que l’on obtempère ou pas, que l’on se satisfasse ou non de porter ce masque, les notions de libertés individuelles et de responsabilité collective se font face et s’entrechoquent. « La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres », disait-on, mais comment réussir à faire perdurer cet adage, par ces temps de pandémie ? Difficile à dire, et difficile de trouver un point de ralliement pour la population faite désormais de « pros » et « d’antis » masques.
Ce méli-mélo d’opinions divergentes semble jouer avec nos nerfs. Obéissants fatigués mais rassérénés, rebelles affirmés, anxieux en colère, indécis dubitatifs… Arriverons-nous encore à nous supporter les uns les autres et à tolérer nos opinions respectives à l’ère du masque ?
Camille STUDER
Camille STUDER
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