Il y a quelques jours ont été dévoilés les résultats du « Jour d’après », la consultation citoyenne organisée par une soixantaine de parlementaires de la majorité et de l’opposition pour réfléchir aux transformations de la société et de l’économie post-covid. Parmi les propositions publiées, l’instauration d’un revenu universel est remise sur la table, en écho à l’appel de 19 élus locaux relayé dans le JDD en avril. Alors que la majorité des Français y étaient opposés jusqu’ici (63 % en janvier 2018 selon une enquête OpinionWay), la crise du covid-19 a transformé leur rapport au travail. Le concept de dividende universel séduit de plus en plus de Français, 71% selon un sondage mené en mars 2020 par l’université d’Oxford)
Ce n’est pas en soi une idée nouvelle : le versement d’une somme d’argent par une communauté politique à l’ensemble de ses membres, de manière individuelle, sans conditions de ressources ou d’activité, est thématisé dès la fin du XVIIIème siècle sous la plume de Thomas Paine. Dans une perspective marxiste, la sortie du salariat irait de pair avec un revenu socialisé universel versé aux citoyens délivrés des contraintes de la production. Dans une perspective libérale, un tel revenu inconditionnel ou dividende universel permettrait de réduire la pauvreté et les inégalités, d’améliorer le fonctionnement du marché du travail et donc de faire baisser le taux de chômage. Mais s’il est régulièrement défendu au niveau mondial, il n’a jusqu’ici pas dépassé le stade de l’expérimentation.
C’était en particulier la proposition phare – et très critiquée – du candidat socialiste aux dernières élections présidentielles, Benoît Hamon. Des économistes comme Thomas Piketty, Emmanuel Saez ou Antoine Bozio, des sociologues comme Dominique Méda, l’avaient suivi sur ce point en soutenant l’idée d’un revenu universel d’existence, jugeant qu’il pouvait être « pertinent et innovant » sur le plan économique et social de le mettre en œuvre.
En cette période de crise sanitaire, le concept de revenu universel a le vent en poupe. Avec le ralentissement – voire dans certains secteurs l’arrêt temporaire – de l’activité économique dû à la pandémie, l’État vient au secours des entreprises, des entrepreneurs individuels et des travailleurs indépendants, avec un arsenal de chômage partiel, de subventions, de rééchelonnement de dettes et de compensations fiscales. Cette explosion de dépenses publiques oblige à repenser notre système de protection sociale. Le gouvernement a ainsi lancé un chantier sur le revenu universel d’activité (RUA), un dispositif qui fusionnerait plusieurs allocations et serait conditionné à la recherche d’emploi.
Le ralentissement de la consommation engendré par le confinement, le report vers d’autres activités que le travail rémunéré pendant la crise, ainsi que la découverte d’autres manières de travailler, ont suscité beaucoup de réflexions sur la valeur travail : beaucoup réalisent que les métiers les moins considérés (et les moins bien payés) sont aussi parfois les indispensables en période de crise. Certains se disent qu’ils peuvent travailler tout autant ou aussi bien qu’avant mais de manière asynchrone ou à distance. D’autres encore, comme Virginie Deleu (Mouvement français pour un revenu de base), ont l’idée de « déconnecter les revenus du travail, à travers la reconnaissance de besoins minimaux financiers pour vivre » .
Le revenu universel doit-il être encouragé, pour valoriser notamment les parents qui élèvent leurs enfants ou les bénévoles du monde associatif qui participent au bien commun sans être rémunérés ? Au contraire, s’il est trop insuffisant pour vivre dignement, risque-t-il d’augmenter le risque de pauvreté ou d’injustice ? Mais, s’il est équivalent au salaire minimum, n’enlève-t-il pas tout sens à la valeur travail ? Faut-il vraiment, en contrepartie, supprimer toutes les aides et allocations que nous pouvons percevoir ?
À vos claviers ! Vous sentiriez-vous plus rassuré face à l’avenir si le revenu universel était mis en œuvre ? Avez-vous le sentiment que le revenu universel pourrait vous désinciter à travailler ?
Raphaëlle COLOGON
Raphaelle COLOGON
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