« Tu vas comment à Roissy ?… » « Attention au jet lag !… » « Ah non, moi l’avion c’est ma phobie… » « Moi je prends toujours du jus de tomate en avion. » Autant de phrases que nous entendrons de moins en moins.
La crise sanitaire et écologique que nous connaissons depuis mars dernier a radicalement modifié notre rapport aux voyages et plus particulièrement au tourisme tel que nous le connaissions.
Parmi les groupes d’amis, il suffisait de voir la petite concurrence qui se jouait entre les photos de vacances Instagram ou la collection de Lonely Planet dans la bibliothèque du salon. La facilité à se déplacer dans le monde entier a fait du voyage, seul, en couple ou en masse, un bien de consommation comme un autre. Il paraissait absolument normal que pour quelques centaines d’euros, on soit transporté en quelques heures dans les endroits les plus exotiques et lointains. Tout se passait pour le mieux et on pouvait à loisir se répandre sur l’« extrême gentillesse » et « la simplicité » de ces populations si lointaines.
Depuis, la crise sanitaire est arrivée : les frontières de nos habitations, de nos départements et de nos régions ont été fermées, mais aussi les frontières de la France et de l’Union européenne. D’un seul coup, alors que la liberté de mouvement et de circulation à laquelle nous avons tous été biberonnée était la norme, notamment grâce à l’Union européenne, celle-ci est restreinte. On nous conseille de visiter la France pour les vacances ou bien de ne pas aller trop loin.
Il va falloir s’y faire, le voyage exotique, ce n’est plus possible et ça ne reviendra pas de sitôt.
Cet été, le littoral français, a ainsi connu une meilleure fréquentation qu’en août 2019 sans Covid. De manière générale, le marché domestique a suffisamment alimenté l’offre hôtelière pour faire de la France le meilleur élève européen avec le meilleur taux d’occupation d’Europe (50,9%).
Et finalement, pourquoi pas ?
La crise sanitaire couplée à l’évident impératif écologique ne va-t-il pas amener les vols moyens et longs courriers à devenir l’exception plutôt que la norme ? Va-t-on prendre plaisir à redécouvrir un environnement proche au lieu de parcourir des milliers de kilomètres pour chercher de l’exotisme ?
Dans une enquête menée en octobre par Booking sur un panel de 20000 voyageurs issus de 28 pays. Il apparaît que 49 % des personnes interrogées prévoient de voyager en France sur le moyen terme (dans les 7 à 12 mois) et 40 % sur le long terme (dans plus d’1 an). L’engouement pour les destinations de proximité semble parti pour durer, prédit Booking, « ces voyages étant plus faciles à organiser, plus sécurisés et souvent plus respectueux de l’environnement ».
Au-delà de l’urgence sanitaire, l’urgence écologique est devenu également un levier de décision : selon une étude portée par VaoVert, start-up spécialisée dans les hébergements écoresponsables en France, selon laquelle 62% des répondants estimaient que la notion d’écoresponsabilité était prépondérante dans leur choix de destination touristique.
Ainsi, se dessine un nouveau mode de tourisme plus raisonné, comme l’explique l’architecte italien Carlo Ratti dans une tribune au Monde, des recherches récentes effectuées au MIT (Massachussets Institute of Technology) inspirent une nouvelle réflexion qui nous incite à envisager un nouveau modèle de tourisme qui serait fondé sur des séjours plus longs et plus durables. Ce nouveau modèle de tourisme plus « raisonné » va donc de pair avec la nécessité accrue d’envisager des nouveaux types de mobilité internationale.
Alors va-t-on examiner l’impératif sanitaire ou épidémiologique à l’heure de préparer nos vacances ? Changer nos habitudes et surtout changer notre rapport à l’exotisme et au lointain ? Redécouvrir nos régions ou les pays voisins ? Se réjouir des charmes du train ou du car ?
Une étude menée par les Régions de France en juin dernier montre que les préoccupations des Français ont été profondément modifiées par la crise : dans les 6 premières préoccupations, 5 concernent la volonté de voyager moins loin, de découvrir des zones plus proches et leur terroir tout en respectant les consignes sanitaires.
Alors que nous avons été habitués ces trente dernières années à voir le monde comme un village global, sous l’angle d’une mondialisation et une accélération des réseaux et des transports, nous faisons face à un rétrécissement de nos habitudes. D’un village global, on passe à un village national, voire régional. Avec peut-être une redécouverte de nos propres villages, voire de notre propre village ?
Et vous, finirez-vous par accepter que le Loiret et la Moselle sont aussi exotiques que le Laos et les Maldives ? Vous verrez, le jus de tomate a le même gout sur la terre ferme que dans les airs !
Mickaël LEVY