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LE TILT :

Le prix du silence

                                                 
                                                

« Le xxe siècle est, entre autres choses, l’âge du Bruit. Et il n’y a rien d’étonnant à cela ; car toutes les ressources de notre technologie quasi miraculeuse ont été jetées dans l’assaut actuel contre le silence », écrivait Aldous Huxley en 1945 dans La philosophie éternelle. L’auteur du Meilleur des mondes l’avait vu venir : le silence est en voie de disparition. Si l’on en croit le bioacousticien Gordon Hempton, il ne resterait sur Terre qu’une cinquantaine de zones où l’on peut n’entendre aucun bruit d’origine humaine pendant plus de quinze minutes consécutives. C’est peu, très peu.

Le silence devient précieux et rare. Or, tout économiste le sait, ce qui est rare est cher. Naturellement, l’absence de bruit devient alors un bien de luxe. Vacarme ou silence : les nouveaux termes de la lutte des classes ? En se raréfiant, le silence devient un objet de distinction sociale, et les derniers havres de paix sur cette planète des zones réservées aux plus aisés. C’est l’idée défendue par Cynthia Fleury et Antoine Fenoglio dans Ce qui ne peut être volé : Charte du Verstohlen (Gallimard, Tracts, 2022) : « le silence est capté par les milieux socio-économiques et culturels les plus privilégiés », écrivent la philosophe et le designer constatant que les retraites yoga silencieuses ne font pas exactement partie des loisirs populaires… ! Ou encore que si vous rêvez d’un bureau individuel fermé, mieux vaut être prêt à jouer des coudes pour s’élever dans la hiérarchie de votre entreprise, car pour tous les autres, les forçats de l’open space, ce sera casques anti-bruit et bataille homérique pour accéder aux call box capitonnées.

Luxe, calme et volupté. Le silence devient désirable et se…monétise. Dans le fracas de la modernité, il se constitue en marché émergent, avec une offre de biens et de services pour répondre à la demande. Celui du Quiet.

                                                 
Exposition silence à la Cité des sciences jusqu’au 31 août 2025
                                                
Exposition Silence à la Cité des sciences jusqu’au 31 août 2025
                                                 
                                                
À Tokyo, des salons de coiffure proposent à leurs clients de choisir le niveau de conversation souhaité, et ce, dès la prise de rendez-vous. Ils peuvent opter pour une conversation normale, un échange minimal ou bien pour un service sans aucun échange verbal. Cette dernière option est plébiscitée dans six cas sur dix, en majorité donc. Uber a lancé le « quiet mode », offrant désormais la possibilité de « demander » le silence à son chauffeur. Quant au « Quietcation », évoqué précédemment, c’est la nouvelle tendance de voyage bien-être. Sa promesse ? une pause pour sortir de tout ce qui nous étourdit au quotidien : la routine, l’agitation, les transports en commun, les notifications, les responsabilités et surtout, la pression. Retraite de yoga, centre de bien-être silencieux, marche méditative, randonnée en plein air à profiter des sons de la nature, chemins de pèlerinage, ermitage, les possibilités de vivre le silence sont multiples ! Les agences de voyages de luxe s’en emparent, le silence se « markete ». Les offres premium « adults only » aux quatre coins du globe pour éviter les éclaboussures et les braillards à la piscine pullulent sur tous les sites de voyage.  Mais le silence n’est pas que voyage intérieur. Il est aussi recherché dans le quotidien, pour se mettre à l’écart du bruit ambiant, et éviter les hurlements de votre voisin ou les ronflements de votre conjoint. Des start-ups investissent le champ des technologies anti-bruit, comme QuietOn qui produit des bouchons d’oreille à annulation de bruit ou Skyted en France qui a créé un masque anti-bruit révolutionnaire permettant de téléphoner dans des environnements bruyants comme les open spaces, sans que les voisins ne l’entendent. Ce masque, une véritable « bulle de son », a marqué le CES 2023 à Las Vegas. Il est vendu à 499 €. Un bien de luxe, on vous disait.

Le silence n’est plus seulement l’absence de bruit, il est une valeur ajoutée. Du côté de l’offre, il y a donc des opportunités de marché pour un certain nombre d’entreprises à investir le champ du silence. On peut assez raisonnablement penser que viendra vite le temps où vous paierez pour des espaces silencieux dans les cabines d’avion ou les wagons des TGV, comme vous payez votre coupe file ou votre valise en soute.

Du côté de la demande, le besoin de silence dans une société de l’assourdissement milite à l’évidence, pour les entreprises, contre une communication de flux. Il vaut mieux parfois se taire que piailler pour rien. Comme dans une partition de musique classique, c’est bien la juste place du silence qui fait la mélodie d’ensemble. La musique n’est pas dans les notes mais dans le silence entre les deux, disait Wolfgang.
                                                 
                                                
Vous avez tilté ?
                                                 
                                                

BOOK CLUB

Demain, ce sera capitalisme OU démocratie ?
                                                 
                                                

Durant sa première campagne, Barack Obama avait évoqué le cas d’Ugland House, un bâtiment des îles Caïmans qui hébergeait alors pas moins de 12 000 sociétés : « c’est soit le plus grand immeuble du monde, soit la plus grande escroquerie au fisc jamais observée » déclarait-il.

Des exemples de cette « sécession douce » des riches, Quinn Slobodian en donne beaucoup dans son « Capitalisme de l’apocalypse ». Ainsi, au début du millénaire, près de la moitié des nouveaux projets immobiliers dans le sud et l’ouest des États-Unis étaient des résidences fermées (gated communities), régies par des gouvernements privés miniatures. La force de son livre n’est cependant pas dans cette énumération, même si l’on se passionne à découvrir le tableau sidérant de plus de 5400 « zones » disséminées à travers le monde (zones est le terme qu’il a choisi de retenir pour les dénommer dans leur diversité : ports francs, paradis fiscaux, cités-États, enclaves fermées, zones économiques d’exception…), une véritable « dentelle » existant dans un statut de quasi-extraterritorialité au cœur des États-Nations. Mais c’est surtout la théorisation qui accompagne cette géographie de la sécession qui retient l’attention : derrière ce « capitalisme de la fragmentation » qui vise à « libérer » des territoires au cœur des nations, contraignant peu à peu les États à s’aligner sur les standards économique, juridique, normatif et fiscal que ces enclaves génèrent (pour éviter des fuites de ressources, de capitaux et de travail), ce n’est pas seulement une compétition économique qui se joue mais bien un match politique, plus profond et d’une toute autre envergure.

                                                 
« Chantage à la réforme » et véritable réorganisation politique par le fait de nos sociétés, ce système fragmenté est, in fine, selon l’auteur, l’avancée vers une forme radicale de capitalisme, un capitalisme sans démocratie.

Thèse audacieuse (on se souvient que la chute du mur de Berlin a vu fleurir moult théories selon lesquelles capitalisme et démocratie iraient toujours de pair), géographie foisonnante et lecture historique à la fois, l’ouvrage de Quinn Slobodian est l’un des plus intéressants (avec celui d’Arnaud Orain) de cette longue liste d’essais qui paraissent en ce moment pour étudier le personnage central de nos sociétés actuelles, au travers de ses multiples (et profondes) métamorphoses : le capitalisme.


















Le Capitalisme de l’apocalypse
Ou le rêve d’un monde sans démocratie
Quinn Slobodian
(Seuil, 2025)
                                                 
                                                

3 IDÉES ANTI PRÊT-À-PENSER®

                                                 
                                                

Idée #1
En finir avec les Trente (pas si) Glorieuses : enlever le filtre Instagram

En ces temps chaotiques, la nostalgie des Trente Glorieuses s’invite partout telle le sparadrap du capitaine Haddock : à droite, c’était le temps béni où le travail et le mérite étaient les fondements d’une société où chacun savait rester à sa place ; et, à gauche, comme le terreau idéalisé du surgissement des aspirations collectives. Les Temps nouveaux, écrit par 14 autrices et auteurs sous la houlette du politiste Vincent Martigny, nous affranchit de cette pesante parenthèse enchantée et nous délivre du fallacieux filtre vintage qui pare ces Trente (pas si) Glorieuses. Nous permettant ainsi d’entrer – enfin ! – dans les temps nouveaux qui sont les nôtres.

Les Temps nouveaux – Pour en finir avec la nostalgie des Trente GlorieusesSous la direction de Vincent Martigny avec (entre autres) Laurent Berger, Audrey Célestine, Raphaël Llorca, Maïa Mazaurette, Dominique Méda, Michelle Perrot… (Seuil, 2025)

                                                 
                                                

Idée #2
L’effet Eephus : quand la lenteur devient stratégique

« C’est comment qu’on freine ? » s’interrogeait déjà Alain Bashung en 1982. Si depuis, les appels à la lenteur sont devenus légion, la question du comment reste toujours d’actualité. Un petit tour du côté du baseball peut alors s’avérer utile avec le film Eephus, le dernier tour de piste de Carson Lund. L’Eephus, c’est le lancer de balle lent, haut et arqué, connu au baseball pour déstabiliser les batteurs de la ligne adverse. Et s’il devenait une utile métaphore dans notre monde de la communication gagné par la vitesse et l’hyperconnexion ? Quand la lenteur devient un atout, l’imprévisibilité une stratégie, l’innovation une différence, la qualité, l’habileté et le sens du timing déterminants. Pensez à l’effet Eephus !

C’est comment qu’on freine d’Alain Bashung (Serge Gainsbourg-Alain Bashung)
Eephus, le dernier tour de piste, un film de Carson Lund (En salle actuellement)

                                                 
L’effet Eephus : quand la lenteur devient stratégique
                                                

Idée #3
Faites des haies : éloge de l’école buissonnière

Sonia Feeetchak, philosophe et romancière, nous appelle dans un essai très personnel à regarder celles qui ont en grande partie disparues de notre paysage : les haies. Parce que ce sont des écosystèmes riches, des traits d’union fusionnant les qualités des deux espaces qu’elles bordent. Pour des raisons esthétiques aussi car une haie ne constitue pas un mur, mais une perspective, ouvrant à la curiosité. Et enfin car les haies nourrissent l’espoir d’une réconciliation en ces temps si polarisés : étant limite et régénération, repère et expansion, les haies sont à la fois et de droite et de gauche ! C’est ainsi que le Sénat a adopté à la fin janvier une proposition de loi en faveur de la préservation et de la conquête de la haie, à la quasi-unanimité ! Une lecture pour une école buissonnière de la pensée ! 

Éloge de la haie – Pour un désordre végétal de Sonia Feertchak

                                                 
                                                

L’OEIL DU DOCTEUR JEQUIER

Que valent le bruit et la fureur ?

En termes d’opinion, le cours du bruit est en forte tendance baissière ! Depuis que Jean-Luc Mélenchon a choisi une stratégie de fracas et de polarisation, tous les indicateurs d’opinion se dégradent. La stratégie mobilise les militants mais éloigne les Français. Dans le baromètre Verian/Figaro Magazine, la popularité du leader de LFI a perdu 35 points, de 47% au printemps 2022 à 12% en mars 2025. 63% des Français, en hausse de 12 points en quatre ans, jugent désormais que LFI est un parti dangereux pour la démocratie, alors qu’ils ne sont « que » 50% à porter une opinion similaire sur le RN, pourtant longtemps leader en la matière. Et 80% des Français considèrent que LFI n’est pas capable de gouverner. Le coût du bruit.

                                                 
                                                
Samuel Jequier est le président de l’Institut Bona fidé. Vous souhaitez analyser les tendances qui transforment la société ou votre secteur d’activité pour bâtir des stratégies de communication pertinentes ? Pour tout besoin d’études, quanti ou quali, n’hésitez pas à le consulter !
                                                 
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Média conçu et rédigé par l’agence Bona fidé et sa Brigade des idées.
                                                 
                                                
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