Le confinement a constitué une expérience hors-norme, inédite, collectivement, pour la société, et individuellement, pour chacune et chacun d’entre nous. Comment les Français ont-ils vécu ce quotidien confiné par rapport à leur quotidien « d’avant » ? Quels ont été leurs principaux manques et frustrations ? Quelles bonnes résolutions ont-ils prises pour le quotidien « d’après » ? C’est pour répondre à ces interrogations, qui traversent l’ensemble de la société et chaque individu, qu’Equancy&Co publie aujourd’hui les résultats exclusifs d’une enquête nationale réalisée en partenariat avec l’IFOP[1].
Le confinement, une expérience individuelle majoritairement « non négative »
Une résilience individuelle plus forte que les déterminants sociaux
Expérience subie et contraignante, le quotidien confiné n’a pourtant pas été vécu comme une expérience dégradée par une majorité de Français. 20% des Français ont ainsi davantage apprécié leur quotidien pendant le confinement qu’avant alors que 38% l’ont à l’inverse moins apprécié, 42% ne l’ayant « ni plus, ni moins apprécié ». Si l’on a beaucoup dit et écrit, à juste titre, que les inégalités sociales étaient fortes dans les expériences de confinement, le sondage montre toutefois qu’elles ne se retrouvent pas dans le ressenti des Français. On n’observe aucun clivage de classe : les catégories supérieures (37%) sont quasiment aussi nombreuses que les classes populaires (40%) à déclarer avoir moins apprécié leur quotidien confiné. Appréhendée de façon individuelle, la perception de « son » quotidien confiné n’obéit à aucun déterminant social : il y a une forme de résilience individuelle qui surpasse les déterminismes collectifs. Le lieu de résidence est légèrement plus discriminant dans le ressenti du quotidien confiné. Si le ressenti négatif n’est pas plus fort chez les urbains de province (37%) que chez les ruraux (34%), il est en revanche plus prégnant, tout en demeurant minoritaire, au sein des habitants de l’agglomération parisienne (46%).
Du positif à tirer du quotidien confine pour une majorité de français
En deuxième grand enseignement, retenons que l’opinion publique considère qu’il peut y avoir un héritage positif du confinement.58% des Français déclarent en effet avoir vécu pendant le confinement des « choses positives qu’ils ne faisaient pas auparavant » et qu’ils aimeraient conserver au sein des mois et années qui viennent. Le surcroît de temps pour des activités manuelles (cuisiner, jardiner, bricoler – 57% des citations), pour s’occuper de son conjoint et de ses enfants (45%) et de soi (42%) constituent les principaux éléments positif vécus du confinement.
La perception d’un héritage positif à conserver s’impose nettement, de façon quasi-équivalente au sein des catégories supérieures (67%) et populaires (65%). L’âge et le lieu de résidence sont en revanche plus discriminants : les plus de 65 ans, sans doute en raison de l’inquiétude pour soi et du manque de sociabilité, considèrent très majoritairement (72%) qu’il n’y a rien de positif à tirer de l’expérience confinée et les habitants des territoires ruraux (47%), sans doute parce que leur quotidien a été moins chamboulé, sont moins nombreux que les urbains de province (58%) et les habitants de l’agglomération parisienne (70%) à voir du positif dans l’expérience de leur confinement.
Le paradis, c’est les autres ?
Interrogés en question ouverte (avec des réponses totalement libres donc) sur ce qui leur a le plus manqué au sein de leur quotidien durant le confinement, les Français expriment une perception largement partagée et clairement dominante, structurée autour du manque des Autres, des proches, des amis, des interaction sociales, dans le cadre privé comme dans le cadre professionnel…40% citent ainsi ne pas voir ses amis, ses proches, sa famille, ses collègues comme le principal manque durant le confinement alors que 23% mentionnent le manque de « collectif » et de sorties dans des lieux publics (bars, restaurants, cinémas, concerts, shopping, sports…). Au total, ce sont donc près des deux tiers des Français (63%) qui se réunissent spontanément autour de l’absence de sociabilité et de l’Autre comme frustration première du confinement. On trouve ensuite quasiment à part égale deux attitudes plus polarisées et diamétralement opposées : 16%, d’un côté, considèrent que le confinement n’a créé pour eux ni manque, ni frustration alors que 15% de l’autre le voient principalement comme une privation de mouvement et une atteinte à leur liberté individuelle. 11% citent le manque de nature, de balades, de promenades au grand air comme leur manque principal de l’expérience confinée. Enfin, seuls 6% pointent le « travail » comme principal manque, bien plus sous la forme du manque des collègues que du manque de l’activité en elle-même.
Quelles « bonnes résolutions » pour l’après ?
Plus de « care » et de « local »
Un peu comme un 1er janvier, le temps de la crise et du confinement a été celui de la prise de résolutions. L’étude permet d’en dresser une hiérarchie précise, avec à son sommet, la résolution d’être plus attentif à l’égard ses proches, plus bienveillant à l’égard des autres, et plus « local » dans ses pratiques. L’attention aux Autres et l’aspiration au local s’imposent donc comme les grandes tendances post-confinement. Des aspirations qui préexistaient à la crise mais que cette dernière a renforcées et élargies. Ainsi, à l’issue de la crise et du confinement :
- 89% des Français déclarent qu’ils vont être plus attentifs à leur proches et 76% qu’ils vont essayer d’être plus bienveillants à l’égard des Autres dans la société.
- 76% qu’ils vont désormais passer leurs vacances en France plutôt qu’à l’étranger et 55% qu’ils prendront moins l’avion.
- 71% qu’ils vont consommer plus de produits locaux et made in France, quitte même à les payer un peu plus chers.
Si le fait d’acheter plus de produits bio (44%), de pratiquer plus régulièrement le télétravail (39%) ou de déménager (18%) sont moins cités, ils rassemblent toutefois des proportions non négligeables de Français. On notera par exemple qu’un quart des Franciliens fait part de son envie de déménager, un chiffre important et nettement supérieur à celui des Provinciaux (16%) et des habitants de commune rurale (7%).
Une envie de « déconsommer » qui séduit un quart des français
Le confinement ne semble pas avoir créé chez les Français d’importante frustration consommatrice, ni, en conséquence, une envie frénétique de « se rattraper » dans l’après : seuls 7% des Français déclarent aujourd’hui qu’ils ont envie de plus consommer. Les 18-24 ans (24%) sont la seule catégorie où une part importante exprime son désir de consommer plus. L’envie de « déconsommer » est plus forte mais demeure minoritaire : 26% des Français disent avoir envie de moins consommer. Le consommer « ni plus, ni moins », reste largement majoritaire, réunissant 67% des Français. Le monde d’après ne sera donc pas celui de la déconsommation, même si la crise a sans doute nourri et quelque peu élargi cette aspiration.
Changer de quotidien a l’issue de la crise ? De « oui, beaucoup » a « oui, un peu », le desir est majoritaire mais gradue
La crise et le confinement ont créé chez les Français un désir gradué de changement de leur quotidien : 9% ont une aspiration radicale et avouent que la crise leur a donné envie de « vraiment changer de vie » et 22% expriment l’envie de « modifier pas mal d’aspects de leur vie quotidienne ». Au total, si l’on cumule ces deux attitudes, près d’un tiers des Français (31%) exprime un désir fort de changement de son quotidien. Ce désir est le plus massif chez les moins de 35 ans (47%) et les catégories populaires (45%). 39% ont envie de seulement « modifier quelques aspects de leur vie quotidienne » et 30%, enfin, ont envie de ne rien changer à leur quotidien.
Etude réalisée pour Equancy&Co par l’IFOP du 19 au 20 mai 2020 auprès d’un échantillon représentatif de la population âgée de 18 ans et plus de 1007 personnes. Méthode des quotas.
Laetitia TYREL DE POIX
Laetitia TYREL DE POIX
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