Candidat et favori : Emmanuel MACRON disposait déjà de l’avantage comparatif de présidentiabilité sur ses concurrents, la guerre en Ukraine venant consolider cet effet de stature. À 45 %, la cote de confiance du chef de l’État progresse de six points dans le dernier baromètre de popularité Kantar/Figaro Magazine. À 27/28 %, les intentions de vote en faveur du candidat MACRON gagnent deux points depuis le déclenchement de l’invasion russe, pour le placer à un niveau inégalé depuis septembre.

Emmanuel MACRON est plus que jamais chef de l’État et des armées. Sur la question de confiance pour faire face à la crise ukrainienne, il dispose d’une avance de 15 points sur Marine LE PEN et de plus de 20 sur tous ses autres concurrents. Ce réflexe « légitimiste » à l’égard du chef de l’Etat en temps de crise et de guerre est habituel, mais inédit dans ses effets à un mois du premier tour d’une élection présidentielle. Avec désormais une marge de plus de 10 points d’avance sur ses adversaires au premier tour, il est clairement favori.

Derrière lui, l’accès au second tour n’est pas décanté. On retrouve quatre candidats se tenant en cinq-six points, entre 11 et 17 %, ce qui, compte tenu des marges d’erreur et de la volatilité électorale encore possible, laisse tous les scenarii ouverts. À ce stade, Marine LE PEN apparaît comme légèrement mieux placée pour accéder au second tour. Dans cet ensemble en effet, les dynamiques sont différentes. Sans accentuation particulière liée à l’Ukraine, même si le cas FILLON n’a sans doute pas arrangé ses affaires, Valérie PÉCRESSE est en phase descendante depuis son meeting raté de Paris. Mesurée autour de 12/14 %, elle a quasiment dilapidé l’intégralité de sa hausse post-désignation pour retrouver un niveau proche de celui mesuré avant. Elle est de plus en plus faible chez les moins de 50 ans et ne parvient pas à élargir son assise sur l’électorat de droite. Signe de sa fragilisation croissante, elle est également de plus en plus distancée dans les seconds tours, le rapport de force en faveur d’Emmanuel MACRON étant passé de 52/48 à 60/40 en un mois. La candidate LR reste dans la partie, mais pas très loin du hors-jeu.

À l’extrême droite, Éric ZEMMOUR est plus touché par ses prises de position et déclarations passées pro-POUTINE que Marine LE PEN, dont la complaisance à l’égard du régime russe a pourtant été également largement documentée ces derniers jours. Le polémiste accuse une baisse notable dans la totalité des enquêtes d’opinion réalisées depuis l’invasion russe, pour se retrouver à un niveau de 13/14 %, alors que la leader RN se maintient ou ne s’effrite que légèrement, à 16/17 %.

Comment comprendre cet impact différencié  de la guerre en Ukraine sur ces deux personnalités d’extrême droite ? Nous avancerons trois hypothèses.

La première est que l’électorat de Marine LE PEN, plus populaire (notre monitoring montre qu’elle capte 20 à 30 % des intentions de vote des catégories populaires) que celui d’Éric ZEMMOUR, est moins sensible aux questions internationales.

La seconde est que Marine LE PEN dispose d’une crédibilité et d’une présidentiabilité supérieures à celle d’Éric ZEMMOUR (tous les indicateurs d’image publiés depuis un mois le montrent, et elle se classe 2ème dans la hiérarchie de confiance des candidats pour faire face à la crise ukrainienne avec 35 %, alors qu’Éric ZEMMOUR est 5ème avec 22 %), qui la rendent plus solide sur son électorat.

La troisième est que la déclaration d’Éric ZEMMOUR, hostile à l’accueil des réfugiés ukrainiens en France, accueil pourtant souhaité par 79 % des Français et… 67 % de ses propres électeurs, n’est pas passée dans l’opinion. Qu’elle est apparue inhumaine et brutale et qu’il en paie les conséquences. Reste à savoir désormais si le ralliement annoncé de Marion MARÉCHAL LE PEN, permettra à Éric ZEMMOUR, comme lors des premiers ralliements venus du RN, d’inverser une nouvelle fois une tendance qui lui est défavorable. La carte de la nièce est sans doute un de ses derniers atouts.

À gauche, l’effet « POUTINE » sur les intentions de vote en faveur de Jean-Luc MÉLENCHON reste incertain. Le leader LFI paraît plutôt stable pour l’instant, autour de 11/12 %, et continue d’être largement en tête à gauche. S’il aurait pu être fragilisé lui aussi par ses déclarations passées, le manque d’attractivité de ses concurrents à gauche le sauve peut-être. Anne HIDALGO reste dans les limbes et Yannick JADOT, à 5/6 %, ne progresse pas. Le leader écologiste pourra peut-être compter, in extrémis, comme aux européennes, sur un sursaut des jeunes en sa faveur. Mais le paradoxe n’en demeure pas moins : comment expliquer un score si bas alors que le réchauffement climatique inquiète 80 % des Français ? On touche là au problème essentiel d’EELV, sans doute accru par les polémiques (Tour de France, sapin, foie gras…) émergeant depuis un an au sein des exécutifs municipaux qu’ils dirigent : la crédibilité. Seuls 26 % des Français pensent que le parti écologiste est « capable de gouverner la France », ce qui le situe juste devant le PCF mais derrière LFI (28 %), Reconquête (30 %) et le PS (32 %), loin du RN (38 %) et très loin de LR (50 %) et de LREM (52 %).