E comme Eau

Plic-ploc : si le changement climatique inonde depuis près de dix ans le débat public, la petite musique de l’eau monte progressivement.

Plic : le milliard de mÑ d’eau perdu chaque année à cause des fuites en France nous joue la ritournelle d’une eau potable toujours plus gaspillée.

Ploc : les PFAS dans les nappes phréatiques et le chlorothalonil dans nos robinets nous fredonnent l’air de l’eau toujours plus polluée.

Plic-ploc : l’oratorio aquatique se fait plus grinçant, le flot mélodieux du beau Danube nous semble déjà moins bleu et « La Truite » de Schubert, bien mal en point.

Plic : les processions religieuses à Perpignan pour appeler la pluie nous chantent la litanie, dans les Pyrénées-Orientales et ailleurs, d’une eau toujours plus rare.

Ploc : le Nord-Pas-de-Calais, Dubaï, la Libye ou la Chine nous récitent la marche funèbre de l’eau montante, toujours plus dangereuse.

Plic-ploc : la musique prend un air de requiem. Bienvenue dans l’eau de là !

Demain, plus de 900 millions de personnes seront menacées par la montée des eaux dans le monde, parmi lesquelles les habitants de Jakarta, Londres ou encore New York. Et le désert avance, en parallèle, en Espagne, en Grèce ou en Asie centrale. Alors que seul 0,7 % de l’eau de la Terre est douce et consommable, accessible en surface, l’eau potable manque déjà à Mayotte ou en Guadeloupe.

La musique se fait guerrière. L’or bleu devient déjà l’objet de litiges, entre les États-Unis et le Mexique autour de la ligne de partage des eaux du Colorado, de conflits, entre l’Égypte et l’Éthiopie par exemple, ou même de guerres interethniques récurrentes, comme au Nigeria.

Face à cela, la partition jouée par les dirigeants sonne souvent à contretemps. Nous récoltons les fruits d’une politique d’exploitation extensive de la ressource, vieille de plus de 70 ans, mise au service de l’industrie, l’agriculture et l’aménagement, des méga-bassines à la production électrique, en passant par les loisirs (piscines, golfs, canons à neige, etc.). Et si le plan 53 mesures pour l’eau de 2023 semblait témoigner d’une prise de conscience, la révision récente de l’objectif de réduction de l’usage des pesticides ou l’opposition gouvernementale à l’interdiction des polluants éternels montrent le contraire. Tout va à vau-l’eau. Au lieu d’inverser le cours des choses, on tente de préserver une vision « non punitive » pour couper le robinet aux extrêmes… et on ouvre les vannes. Alors que l’on connaît tous la chanson. Il y a 14 ans, Jean-Claude Van Damme nous mettait déjà en garde : « J’adore l’eau. Dans 20 ou 30 ans, il n’y en aura plus. »

À tout niveau, des solutions existent, pourtant, qui appellent un peu de concertation… et de réconciliation, autrement dit de symphonie, autour de la répartition des usages (la consommation d’eau potable ne représente que 4 milliards de m3 sur les 33 milliards de m3 prélevés chaque année en France), d’un meilleur partage de la gouvernance entre le national, les six agences de l’eau et le local et la modération des consommations de tous, notamment des entreprises. Alors que le président Mac Mahon lançait en 1873 à Toulouse, devant les crues de la Garonne, son fameux « Que d’eau, que d’eau ! », la même ville et 36 autres communes environnantes décidaient 150 ans plus tard de faire varier le prix du mètre cube d’eau potable à la hausse de juin à octobre, et à la baisse le reste de l’année, pour en rationaliser l’usage. Un exemple parmi beaucoup d’autres.

Arrivera-t-on encore à se réconcilier autour d’un verre… d’eau ? Il nous reste moins de 16 ans pour y parvenir, d’après Jean-Claude.