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Quel avenir pour le consumérisme autoritaire ?

La réouverture programmée des commerces « non essentiels » dans la perspective des fêtes de fin d’année signe un…

La réouverture programmée des commerces « non essentiels » dans la perspective des fêtes de fin d’année signe un nouveau rebondissement dans le feuilleton qu’est devenue la vie du consommateur confiné. Un temps intimé de réserver ses vacances, il a dû les annuler, il s’est ensuite résolu à soutenir les restaurateurs et les commerces de proximité pour finalement trouver porte close. Sans se départir de ses habits de citoyens, le consommateur louvoie, troque, recycle, upcycle, clique, collecte, et préfère parfois s’affranchir des règles plutôt que de nourrir l’ogre Amazon ou les grandes surfaces, héros du premier confinement, damnés du seconds.

 

Entre incitations et restrictions contradictoires, le consommateur voit sa liberté malmenée.

 

Et cela n’est pas sans conséquences. Nos démocraties libérales fondent leur légitimité sur l’alliance des libertés politiques et de la croissance économique. Il n’y a d’individus libres et égaux que s’ils sont prospères, s’ils peuvent éprouver l’avenir radieux qu’on leur promet par l’amélioration de leur confort matériel. Paradoxalement, le respect des droits du consommateur est presque plus important que celui des droits du citoyen lorsqu’il s’agit de préserver le consentement à être gouverné.

 

Alors que la multiplication des mesures liberticides d’exception et le passage d’une partie d’entre elles dans le droit commun ne soulève l’opposition que d’une frange d’initiés, l’augmentation du prix de l’essence et la fermeture des petits commerces alimentent de larges frondes populaires. À l’intersection de ces deux mouvements de restriction s’ouvre un large espace de destruction du consensus politique où s’engouffre allègrement toute sorte de complotistes, du plus confus au plus cynique.

 

Il est nécessaire de réintroduire le consommateur dans le champ politique.

 

Les restrictions sont pourtant communes dans l’histoire des sociétés humaines, leur nature a cependant profondément évolué. Si l’utilité collective du rationnement est historiquement acceptée lorsqu’il s’agit de gérer des pénuries en tant de guerre ou de famine, il est aujourd’hui question de rationner l’abondance, de hiérarchiser les besoins jugés plus ou moins nécessaires et les différents moyens de les satisfaire. Pour la première fois on assiste à une décorrélation entre l’abondance matériel et la liberté d’accès à cette dernière.

 

Le principal mérite de la période actuelle est donc de remettre le consommateur au cœur du jeu, de montrer son poids dans la fabrique du tissu économique, social et politique et dans l’équilibre entre la satisfaction des besoins individuels et collectifs. Les tensions actuellement à l’œuvre peuvent être perçues comme le symptôme d’une reconsidération de l’individu gouverné comme citoyen mais aussi comme travailleur et comme consommateur.

 

Domestiquer l’abondance, un enjeu collectif.

 

Les enseignements que nous pourrons tirer du consentement du consommateur à l’autolimitation en faveur de l’intérêt général seront des plus précieux au moment où nos sociétés doivent affronter le double défi de l’essoufflement démocratique et de la lutte contre le réchauffement climatique.

 

Le chemin de crête entre dictature de la frugalité et consommation émancipatrice trouve en cette période des tracés dont il pourrait s’inspirer de façon très concrète.

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