La crise ne cesse de révéler ses effets sur le monde du travail. Le premier, le plus visible, le plus étudié depuis mars 2020 est bien sûr le recours massif au télétravail, avec son lot de conséquences secondaires sur la mobilité, le lien social en entreprise, l’organisation spatiale des bureaux, etc. Mais d’autres sont encore en germe, et pourraient peut-être se confirmer avec le temps, comme par exemple, l’acceptation des animaux de compagnie sur les lieux de travail.
Ce n’est cependant pas un sujet nouveau mais qui revient à la faveur du retour au travail en présentiel. Après avoir partagé de longues semaines de confinement ou de télétravail avec leurs animaux, nombreux sont les salariés qui souhaiteraient venir au bureau avec leurs chiens ou chats. Plus facilement accepté et répandu aux Etats-Unis qu’en France, le Time a consacré, tout récemment, un long article à ce phénomène post-covid. Il relaie la voix des entreprises qui ouvrent leurs portes aux animaux domestiques (sous conditions bien sûr de concertation collective, dressage, vaccination et mesures d’hygiène, etc.) et, plus intéressant encore, aux salariés qui formulent expressément le choix de rester chez eux en compagnie de leur animal plutôt que de rejoindre les locaux d’une entreprise pour y côtoyer des collègues. Le nombre de lieux de travail « pet-friendly » augmente ainsi au fil des ans, les employeurs y voyant un marqueur de différenciation supplémentaire, au même titre que l’engagement environnemental ou social par exemple, qui parle aux jeunes actifs et les séduit.
Certaines organisations adoptent elles-mêmes un animal qu’elles érigent en véritable mascotte pour fédérer le groupe plus naturellement que les programmes, parfois artificiels, de team-building. « Animaux au travail, les nouveaux Chief Happiness Officers ? », titrait ainsi un récent article sur le sujet. Mais c’est une autre facette de la question. L’animal d’entreprise ne saurait en réalité remplacer le lien affectif et exclusif qui unit le maître à son animal domestique, lien à l’origine des initiatives « pets at work ».
Mais la France n’est pas un reste. En témoigne l’enquête du Figaro publiée mi-juillet sur ces organisations qui acceptent les animaux dans les bureaux, citant en exemple la mairie de Grenoble où plusieurs salariés viennent chaque jour avec leur animal de compagnie (sous réserve, à ce stade, de ne pas rencontrer de public).
Toutes ces expérimentations semblent converger vers le même résultat : moins de stress, plus de lien social, une atmosphère détendue du seul fait de la présence animale… La compagnie des animaux sur les lieux de travail est par ailleurs perçue positivement dans l’opinion, et de plus en plus : 41 % des Français pensent que les entreprises devraient davantage accepter la présence des animaux de compagnie au travail. Et plus largement, c’est leur prise en compte à tous les niveaux de la vie sociale qui est plébiscitée : 54 % des Français pensent que nous devirons être plus ouverts à la présence des animaux dans les administrations et les transports notamment.
Progressivement, la société devient animaliste.
Derrière tout cela, un futur du monde du travail se dévoile : sous l’apparence d’un assouplissement des règles et la fin d’un certain nombre d’interdits, même tacites, s’effacent en profondeur les frontières entre vie privée et sphère professionnelle. Le salon vaut si bien l’open-space qu’un chat ou un chien y est à sa place dans l’un comme dans l’autre, sans distinction ni souci de convenance.
Marinette VALIERGUE