Le service public audiovisuel fait l’objet d’attaques politiques, venues de l’extrême droite et d’une partie de la droite, inédites par leur ampleur aujourd’hui en Europe. Il a été l’une des premières cibles des leaders populistes d’Europe centrale, en Pologne et en Hongrie, sa mise au pas, avec celle de la Justice, constituant une étape-clé dans l’instauration des régimes « illibéraux ». Il vient d’encaisser un rude coup au Royaume-Uni avec la suppression annoncée de la redevance en 2027 qui va considérablement limiter ses marges d’action et pourrait à terme menacer son existence même. Le très populiste tabloïd Daily Mail n’a pas manqué de se réjouir que l’administration Johnson « fracasse » ainsi la BBC….En France, Eric Zemmour et Marine Le Pen militent ouvertement dans leur programme présidentiel pour une privatisation du service public de l’audiovisuel, relayant politiquement les actives campagnes de presse menées ces derniers mois par Valeurs Actuelles et Cnews contre le « gauchisme culturel » des médias publics.
La politisation des médias publics, c’est-à-dire sa transformation en enjeu politique et partisan, est paradoxale en France : elle intervient en effet à un moment où les chaînes et stations de radio publiques enregistrent succès historiques et records d’audience. Avec près de 7 millions d’auditeurs quotidiens, et près de 14% de part d’audience, France Inter est la radio la plus écoutée de France. Avec 3,2% de part d’audience, France Culture, elle, connaît depuis la fin de l’année la meilleure audience de son histoire. Côté télé, les chaînes de France Télévisions regroupent près de 20 millions de téléspectateurs par semaine et le JT de 20H de France 2 talonne ou dépasse désormais celui de TF1 de plus en plus souvent. Arte, elle, a doublé son audience en dix ans et sa plateforme Arte.tv a généré plus de deux milliards de visionnages en 2021. Progression et chiffres records d’audience viennent ainsi factuellement invalider la thèse selon laquelle les médias publics ne seraient que des niches pour gauchistes, sauf à supposer que la France entière n’en soit qu’un repaire ! Ces bons chiffres d’audience sont par ailleurs corroborés par les données des enquêtes d’opinion qui montrent, toutes, un fort attachement des Français aux médias publics. 71% ont une bonne image des médias publics et 85% considèrent qu’il est « important qu’il y ait des médias publics dans le pays », selon une étude Harris Interactive réalisée en décembre 2021[1].
Le service public de l’audiovisuel et son financement deviennent dans nos sociétés un enjeu politique, et un élément désormais structurant et saillant du clivage entre défenseurs de la démocratie libérale et partisans de régimes populistes plus autoritaires. Ce clivage met en question des problématiques fondamentales, autour du pluralisme, de la qualité de l’information et de la cohésion nationale. Face aux attaques, ne rien dire n’est plus une option et le service public audiovisuel a commencé à engager la riposte. Rappeler sa singularité et ses exigences, son importance en matière d’éducation et d’information, son rôle essentiel pour le pluralisme démocratique : tel était le but du colloque organisé par France Télévisions à Paris le 12 janvier[2] et qui a réuni journalistes, sociologues, économistes et artistes pour une journée d’échange dont le contenu peut être retrouvé en suivant ce lien : Télés, visions publiques ! Rencontres sur l’avenir des télévisions publiques en Europe en streaming | France tv
S’il fallait, pour conclure, démontrer par l’absurde l’importance de la télévision publique dans nos démocraties, un simple regard vers les Etats-Unis suffirait. Il n’y pas aux Etats-Unis de chaînes publiques de télévision ; mais il y a eu dans les « vérités alternatives » et l’invasion du Congrès, une violence et un piétinement des principes démocratiques qui font froid dans le dos à tous ceux qui y sont attachés.
[1] Les Français et la télévision : un regard singulier en Europe ? – France (harris-interactive.fr)
[2] Bona fidé a contribué à la stratégie de contenus de cette journée. Elle tire ce billet des prises de parole entendues le 12 janvier, mais aussi de réelles convictions.