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Signaux forts N°8

"Nos 8 recos littéraires de Noël"

Pour cette dernière édition avant les fêtes, Signaux Forts dresse un bilan de l’année écoulée.
📝 Rétrospective 2022
Démobilisation sociale et électorale, désertion des élites, polarisation… Le récap des signaux forts de l’année.📙 Le book club de Noël
Une sélection de huit ouvrages qui incarnent les tendances éditoriales de l’année, juste à temps pour vos courses de Noël. 🎙️ La micro-interview
Barbecue, voiture et pavillon : comment parler à la France des villes moyennes ? Notre invité apporte des réponses depuis Vierzon, où il vit et milite. 💡 La petite curation
Prospective, tendances, palmarès : notre sélection maison.
Bonnes lectures de fin d’année !

Signaux forts 8 « Nos 8 recos littéraires de Noël »

 

Rétrospective 2022

Une année de signaux forts

Petit papa Noël,
Quand tu descendras du ciel,
Avec… tes palmarès de l’année par milliers !

Chez Signaux Forts, nous avons hésité à lancer notre propre récap de fin d’année.

La raison ? Trop la flemme de l’écrire !

La société épuisée

Et apparemment nous ne sommes pas les seuls. L’année s’achève sur une séquence grosse fatigue. Des ventes de plaids au recours à la livraison, tout indiquerait qu’un état de fatigue physique, mentale et morale s’est emparé des Français. Désintérêt, apathie, sinistrose, épuisement, absence… étaient d’ailleurs les impressions que nous retenions de la campagne électorale qui s’est achevée en mai (relire notre édition présidentielle).

Le dernier employé de bureau

Reste que cette épidémie de flemme n’est pas sans effet sur notre engagement professionnel. Nos concitoyens n’auraient jamais accordé aussi peu d’importance au travail. Encore faut-il s’interroger sur les raisons profondes de ce quiet quitting qui affole tous les recruteurs de France, et chercher à comprendre les causes de la grande désertion qui perturbe jusqu’aux grandes écoles qui forment l’élite du pays. Notre édition de juillet était consacrée à ces déserteurs.

La polarisation qui vient

La réapparition de Michel-Edouard Leclerc sur nos écrans ou le succès des influenceuses supermarché sont des indices du retour de la thématique du pouvoir d’achat. Pourtant au même moment, et comme dans une réalité économique parallèle, tout une catégorie supérieure et premium de la population pratique une sorte de déni d’inflation. « On a une France qui souffre des prix et une autre qui n’hésite pas à se faire plaisir », résume le directeur marketing des cavistes Nicolas à l’approche des fêtes. Une schizophrénie qui réactive un phénomène déjà évoqué dans ces colonnes : la polarisation, thème de notre édition de janvier.

Requiem pour un modèle français

Enfin l’année charnière qui s’achève a servi de stress test à la possibilité de maintenir un bonheur français dans un monde en proie au chaos. Nous en parlions dans notre édition de mars. L’année 2023 devrait accélérer la tendance et faire office de moment de vérité. Rendez-vous en janvier et, d’ici là, passez d’agréables fêtes de fin d’année.

Chez Bona fidé, ce n’est pas qu’on doute de tout : c’est plutôt qu’on a des convictions. Le 17 novembre dernier, nous avons donc décidé de rassembler nos clients et amis à la Gaîté Lyrique pour partager avec eux cette absence de certitudes et ce trop-plein de curiosité qui sont la marque de fabrique de l’agence. Une matinée d’ivresse, tout en sobriété, avec des débats autour du lien intergénérationnel, des rapports de pouvoir, de la crise du conseil… Le compte rendu des échanges est par ici (avec un bonus vidéo).

Le book club de Noël

8 livres à offrir parus en 2022

Pour votre oncle boomer que Greta Thunberg rend apoplectique. Après le petit livre rouge, le grand livre vert ? Ayant dû faire face à de nombreux procès en amateurisme et approximation scientifique, Greta Thunberg répond par une œuvre collective de 1300 pages, somme écologique nourrie des meilleurs esprits. Elle distille deux convictions dans les courts textes introductifs qui rythment ses différentes parties: nous vivons une crise de la durabilité, systémique et globale, dont il convient de relier étroitement tous les aspects (climat, pauvreté, économie, technologie…). Surtout, rien ne se fera sans une mobilisation citoyenne massive, profonde et consciente, puisque dans l’ère du greenwashing qu’elle dénonce dès ses premiers mots, on ne peut rien attendre des gouvernements et des multinationales.
Greta Thunberg, Le grand livre du climat, Kero. 

Pour votre cousin branché sur la réinfosphère. Il est rare qu’un finaliste malheureux du prix Goncourt devance dans les classements des ventes l’ouvrage lauréat. C’est pourtant le cas du roman de Guiliano da Empoli, porté dès sa parution en avril par une critique et un bouche à oreille flatteurs. L’auteur s’inspire librement de la vie d’un conseiller de Vladimir Poutine qui l’a accompagné dans son ascension vers le pouvoir depuis l’effondrement de l’URSS. Ce détour par la fiction est paradoxalement le chemin le plus direct pour nous plonger dans l’ère de la propagande et de la post-vérité.
Guiliano da Empoli, Le Mage du Kremlin, Gallimard.

Pour votre marraine amatrice de littérature US. Breathed est une petite ville du Midwest qui n’existe que dans l’esprit de Tiffany McDaniel, jeune prodige américaine des lettres. C’était déjà le décor de son précédent roman, Betty. C’est aussi celui de cet Été où tout à fondu. On y raconte comment le diable, invité par un vieux procureur tout droit sorti de l’univers d’Harper Lee, prend les traits d’un garçon noir de treize ans pour mettre sens dessus dessous une communauté humaine soudain rendue à ses peurs les plus ancestrales. Réaction aux catastrophes (la canicule) et aux pandémies (ici le sida), religiosité et superstitions, choc des identités, incessantes confusions du vrai et du faux, replis violents et mouvements positifs, ce splendide roman se déroule en 1984 mais dit beaucoup pourtant des paniques morales qui pèseront demain sur nos sociétés en pleine rupture climatique.
Tiffany McDaniel, L’Été où tout a fondu, Gallmeister.

Pour la sorcière ou le chamane de la famille. Tarot divinatoire, sorcellerie, chamanisme, cercles de femmes, nettoyage énergétique… Marc Bonomelli part à la rencontre de celles et ceux qu’il nomme les créatifs spirituels. On les imaginait adeptes crédules, s’adonnant à un butinage consumériste sur un supermarché des croyances; on découvre que les nouveaux explorateurs du sacré sont ingénieur, pilote d’hélicoptère, psychomotricienne ou consultante. Toutes et tous choisissent « de délaisser de temps à autre un réel perçu parfois comme aride », pour lui préférer une forme de réenchantement.
Marc Bonomelli, Les Nouvelles Routes du Soi, En immersion chez les nouveaux spirituels, Arkhê.

Pour un parent épris d’imaginaireQue font dans la même histoire une adolescente dérivant dans une capsule spatiale, un jeune bouvier bulgare menant ses bœufs vers le siège de Constantinople, un jeune garçon de l’Idaho meurtri par son déclassement social et un vieil homme faisant répéter à des élèves le texte d’un auteur grec ? Portés par l’imagination d’Anthony Doerr, ils sont les chaînons d’une magnifique saga dans laquelle un mystérieux texte ancien, La cité des nuages et des oiseaux, est le fil qui, en les reliant, finira par changer, grâce au pouvoir de l’imaginaire, le destin de toute une humanité. Dystopique autant qu’utopique, cette fable écologique traite autant du vivant que des univers numériques ou du terrorisme vert.
Anthony Doerr, La Cité des nuages et des oiseaux, Albin Michel.

Pour votre pote en birésidence à BiarritzL’inlassable défenseur des gens ordinaires tape fort sur les membres des catégories supérieures et les bobos des villes, plus prompts à mesurer selon lui leur empreinte climatique qu’à se questionner sur leur empreinte sociale. Qu’elle gentrifie les métropoles ou s’accapare les littoraux dans une course immobilière à la mer, la bourgeoisie progressiste que fustige Christophe Guilluy livre après livre peut même se payer le luxe de ne plus s’opposer à la France périphérique, qu’elle ignore bien plus qu’elle ne la condamne. « Dans cette société qui n’en est pas une, les classes populaires ne sont pas des ennemies mais des oubliées. » Qui se refont entendre à intervalles réguliers.
Christophe Guilluy, Les Dépossédés, Flammarion. 

Pour votre beauf promoteur immobilier en quête de sensIl est de nos jours moins question de dessiner les plans de villes nouvelles que de réparer celles qui existent. La ville stationnaire que défend ce trio d’auteurs, un ingénieur et deux architectes, se renouvellerait sur elle-même plutôt que de se développer et de s’étaler à l’infini. On est loin des promesses de la smart city tout comme on évite les utopies rousseauistes façon tiny houses. Si le projet d’en finir avec l’étalement urbain est consensuel, les auteurs privilégient une approche pragmatique et technique (que faire et comment le faire ?) Exploitation de friches, densification (modérée), optimisation et transformation de l’existant, les illustrations très didactiques qui parsèment ce manuel pour la transition des territoires périurbains en font l’outil incontournable pour qui s’intéresse à la ville de demain.
Philippe Bihouix, Sophie Jeantet et Clémence de Selva, La ville stationnaire, Comment mettre fin à l’étalement urbain ?, Actes Sud.

Pour celui ou celle qui prépare la dindeUn jour qu’il voyageait en TGV dans les années 2000, Jean-Louis André a constaté que les menus de chef et les yaourts Michel et Augustin avaient remplacé le bon vieux sandwich SNCF. Alternant souvenirs personnels, références historiques et analyse de la culture populaire, le journaliste retranscrit, à l’image de cette révolution des voitures-bars, l’avènement d’un nouveau plaisir de manger. Il passe en revue la France des restaurants étoilés et des relais routiers, du bio et du terroir, de Top Chef et de William Saurin. Il raconte avec gourmandise un pays dans lequel « connaître les meilleures adresses du coin est devenu une marque de culture » et une société qui considère que « ne pas pouvoir situer Alain Passard ou Michel Bras est aussi grave qu’ignorer Stendhal et Balzac. »
Jean-Louis André, Dis-moi ce que tu manges, Une histoire de la France à table, Odile Jacob.

La micro-interview

Reconquérir les classes moyennes des villes moyennes

Âgé de 35 ans, conseiller municipal et militant La France Insoumise à Vierzon, Thibault Lhonneur s’est penché sur le vote des sous-préfectures. Dans ces villes moyennes, une partie de la population, menacée de déclassement, s’éloigne des partis de gauche au profit du RN ou de l’abstention.

Dans une note pour la Fondation Jean-Jaurès, vous parlez d’un angle mort à gauche, les classes moyennes des villes moyennes. Qui sont-elles et que veulent-elles ?

Ma réflexion de militant est partie d’un constat de terrain : tous les matins, je dépose mon gamin à l’école publique de Vierzon. Sur mon chemin, je croise d’autres parents qui, eux, scolarisent leur enfant dans le privé. Or ces parents font partie des classes moyennes locales : commerçant, personnel administratif, ambulancier… Ce sont les gens avec lesquels j’ai grandi. Cette classe moyenne se coupe aujourd’hui de l’école publique, ses membres quittent les centres des villes pour les zones pavillonnaires des villages alentour. Le magasin Action, avec ses articles de déco pas chère, y devient un point de ralliement. Et au sein de cette population, voter Le Pen devient plus acceptable que de voter Mélenchon. C’est en tout cas ce que j’observe quand je vais jouer au foot avec les gens de chez moi.

Pourquoi ces « territoires » sont-ils désignés par une sémantique floue et absconce ?

Il n’y a pas que la lutte des classes dans la vie : les lieux de vie comptent également ! «France des bourgs», «ruralités», «périphéries», les termes employés pour les décrire traduisent une incapacité à les penser politiquement. Ils signalent une méconnaissance et un désintérêt. L’inverse de ce qui s’est passé avec les quartiers populaires. On y a identifié une géographie urbaine caractéristique, avec une population, certains modes de vie, une sensibilité. On a dépassé les termes stigmatisants comme «cité» ou «banlieue», et on a déployé un discours positif qui s’adresse à cet électorat populaire. C’est un progrès, et d’ailleurs ces quartiers ont élu beaucoup de députés Nupes.

« La question de la mobilité quotidienne est un impensé de la gauche urbaine »

Vous pointez l’absence d’imaginaire positif à gauche lié à ces territoires et de représentants pour les incarner…

Loin de l’effet de fief, les sous-préfectures ne sont désormais plus incarnées, peu de leaders politiques en sont issus. Cela se ressent dans l’élaboration des programmes. La question de la mobilité quotidienne et de la voiture est un impensé de cette gauche urbaine. Les discours caricaturaux sur le folklore des petites et moyennes villes, le mode de vie pavillonnaire ou le barbecue se sont multipliés. Un militant de la France insoumise m’a confié qu’il avait assisté cet été à des fêtes de village et qu’il ne connaissait aucune des chansons que passait le DJ ! On est capable de parler à des gens qui vont au ski, pas à ceux qui ont dansé sur La Goffa Lotita cet été ou qui pratiquent la danse country (la rédaction de Signaux Forts elle-même a découvert La Goffa Lotita à la faveur de cette interview).

La petite curation

🍔 Les tendances food à l’horizon 2025
Attentes des consommateurs, obsession du healthy, rôle de la cuisine, retour de la « néotradition » et du faire soi-même (moulin à café, four à pain et autres yaourtières…). L’entreprise de box à cuisiner Hello Fresh s’est associée au cabinet de tendances et de prospective Nelly Rody pour décrypter le rapport à la nourriture (dites plutôt la food) à l’horizon 2025.

📱 Ce qui sera In et Out en 2023
Dirt, newsletter consacrée à l’entertainment et aux tendances du monde digital (en anglais), a demandé aux membres de son réseau ce qui serait In et Out en 2023. Seront In à nouveau : le style Art déco, la couleur lilas, le bouche à oreille, le yuzu et la nourriture surgelée haut de gamme. Seront Out : l’âge d’or du streaming, le yoga, les applis de dating, le vin nature, le lait d’avoine, les stories Instagram et les canapés vintage italiens.

🧬 L’année 2023 selon l’ADN
Énergie, mode et luxe, maison, tourisme, distribution, médias, mobilité, agroalimentaire… Chaque année, le Livre des tendances de L’ADN décrypte 20 secteurs de l’économie. Alternant articles et entretiens, ce rapport annuel qui se présente comme un beau livre et adopte les codes du magazine, renferme « 1,7 kilo d’insights, d’analyses et de points de vue compilés en 368 pages ».

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