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«La baisse tendancielle du taux de popularité, signe de notre crise de représentation»

Retrouvez la nouvelle tribune de Robert Zarader, président de Bona fidé, et Samuel Jequier, Directeur général adjoint et président de l’Institut Bona fidé.

Le taux moyen d’opinions favorables portées au personnel politique est tombé de 40% à la fin des années 2000 à près de 20% aujourd’hui, constatent Robert Zarader, président de Bona fidé, et Samuel Jequier, Directeur général adjoint et président de l’Institut Bona fidé. Selon eux, cet effondrement qui a profité à Emmanuel Macron pourrait à terme faire le jeu de Marine Le Pen.

 

Du «sucer c’est tromper ?» adressé par Thierry Ardisson à un Michel Rocard sidéré, et gêné, dans «Tout le monde en parle» en 2001 à l’interview d’Emmanuel Macron dans Pif, ou celle de Marlène Schiappa dans Playboy, le politique a cru depuis des décennies qu’une communication d’entertainment disruptive changerait son image, lui redonnerait de la proximité avec les Français, et recréerait de la confiance avec les citoyens. Force est pourtant de constater que cette stratégie a eu des résultats inverses à ceux escomptés. Et qu’elle n’est qu’une illusion. Il faut savoir parfois en revenir au temps long pour mesurer l’ampleur d’une crise. Celle de notre démocratie, de nos institutions, et plus largement du rapport populaire à la politique, se lit dans la baisse tendancielle du taux de popularité des leaders politiques ces dernières années : en une quinzaine d’années, la popularité moyenne des leaders politiques français a chuté de près de 20 points.

 

L’analyse du baromètre de popularité Ipsos depuis sa mise en place en 1996 est implacable pour éclairer le discrédit du politique, et la fracture abyssale entre gouvernants et gouvernés. Le taux moyen d’opinions favorables portées au personnel politique est tombé de 40% à la fin des années 2000 à près de 20% aujourd’hui. Dans le même temps, la progression des jugements défavorables moyens a été forte, d’environ 40% jusque vers 2010, à près de 55% aujourd’hui. La tendance vaut de manière identique pour les personnalités de droite et de gauche.

 

Cette baisse tendancielle en dit long sur la crise de représentation. Elle ne résulte pas seulement de l’entrée dans l’ère de la politique du spectacle, même si à l’évidence cette dernière a plus accentué le discrédit que redoré l’image. Elle est aussi la conséquence d’un double mouvement de fond, la perception d’une impuissance du politique à régler les problèmes et le refus grandissant de politiques publiques contraires aux demandes sociales, la réforme des retraites en étant le dernier exemple en date. Sur le fond, comme sur la forme, le politique a épuisé beaucoup de son crédit en une vingtaine d’années.

 

« Seul Edouard Philippe dépasse les 40%, grâce à un soutien massif des proches de la majorité présidentielle , fort chez les sympathisants LR, et à la bienveillance relative des sympathisants de gauche. L’ancien premier ministre fait toutefois figure d’exception. »

 

Qu’il semble loin et (définitivement ?) révolu, le temps des grandes popularités, celui des 74% de Jacques Chirac en janvier 99, des 73% de Bernard Kouchner en juillet 99 ou encore des 67% de Ségolène Royal en juin 2006. Dans l’histoire du baromètre d’Ipsos, plus de quarante dirigeants politiques ont dépassé les 50% de jugements favorables, vingt ont dépassé les 60%, sept ont même enregistré plus de deux tiers de bonnes opinions : Jacques Chirac, Lionel Jospin, Bernard Kouchner, Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, Jean-Louis Borloo, et Bertrand Delanoë. Plusieurs raisons expliquent ces hauts niveaux de popularité enregistrés dans les années 2000 : un paysage politique moins morcelé et des partis politiques qui bénéficiaient d’une assise beaucoup plus large qu’aujourd’hui, une opinion publique moins radicalisée, plus encline à la bienveillance y compris envers des personnalités politiques du camp adverse et des personnalités également plus consensuelles, qui pouvaient bénéficier d’une popularité transpartisane. Ces conditions ne sont plus remplies. Aujourd’hui, aucune personnalité ne dépasse les 50%. Seul Edouard Philippe dépasse les 40%, grâce à un soutien massif des proches de la majorité présidentielle , fort chez les sympathisants LR, et à la bienveillance relative des sympathisants de gauche. L’ancien premier ministre fait toutefois figure d’exception. Ipsos mesure ainsi en mai une moyenne d’un peu plus de 20% de jugements favorables sur l’ensemble des 39 personnalités testées, pour 54% d’avis contraires et 25% de sans opinion.

 

Trois points de rupture sont particulièrement nets dans ce mouvement de baisse tendancielle, en 2010, dans la déception du quinquennat Sarkozy, après 2012 dans celle du quinquennat Hollande, et après 2017 où l’élection d’Emmanuel Macron achève le discrédit de la classe politique traditionnelle de gauche et de droite. Aujourd’hui, et dans un contexte où le macronisme n’a fait émerger aucune autre figure populaire qu’Edouard Philippe, il ne reste plus que le RN, qui, en conséquence, truste les premières places des baromètres de popularité. Non pas en raison d’une progression fulgurante, mais juste d’un maintien consolidé quand tous les autres s’effondrent.

 

« Le grand effondrement de la popularité de la classe politique a fait le jeu d’Emmanuel Macron en 2017. Sa poursuite tendancielle pourrait bien faire celui de Marine Le Pen à court terme, désormais. »

 

Avec Marine Le Pen, Marion Maréchal, Jordan Bardella, trois personnalités de la droite radicale figurent dans le Top 5 des récents baromètres de popularité. Ce n’était encore jamais arrivé. On peut voir dans ces bonnes performances une nouvelle illustration de la notabilisation des élus RN et de leur parti. En creux, on lit surtout la perte de crédit de leurs adversaires. Marine Le Pen est aujourd’hui en seconde place des baromètres de popularité, avec environ 35% de jugements favorables… soit un niveau de popularité déjà enregistré il y a dix ans (37% en septembre 2013). À l’époque toutefois, ce score la positionnait hors du Top 10, devancé par Alain Juppé (51%), Manuel Valls (48%), Jack Lang (45%), Christine Lagarde (45%), Jean-Louis Borloo (45%), Bertrand Delanoë (44%), François Fillon (44%), François Bayrou (42%), Nicolas Sarkozy (42%), Rama Yade (40%) et Martine Aubry (39%).

 

Le grand effondrement de la popularité de la classe politique a fait le jeu d’Emmanuel Macron en 2017. Sa poursuite tendancielle pourrait bien faire celui de Marine Le Pen à court terme, désormais.

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