Pour beaucoup de travailleurs pour lesquels c’était possible, les différentes périodes de confinement ont surtout rimé ces derniers mois avec une augmentation du recours au télétravail. Généralement accueilli de façon plutôt favorable par les salariés, le télétravail est perçu comme permettant une organisation plus flexible de la journée de travail et une diminution des temps de trajet entre le domicile et le travail.

Une augmentation du temps de travail effectif

En réalité, les collaborateurs en télétravail ont tendance à commencer plus tôt et à finir plus tard, tout en s’accordant moins de pause au cours de la journée. Une étude réalisée par ADP révèle ainsi que les salariés sont passés d’une moyenne de 4,39 heures supplémentaires non rémunérées avant la crise à 6,65 heures aujourd’hui.

La satisfaction des salariés (liée au fait de pouvoir travailler depuis chez eux) ainsi que l’augmentation du temps de travail effectif devraient générer une hausse de leur productivité. Cette hausse n’est pourtant pas si évidente. Une étude réalisée en Chine (Bloom N., Liang J., Roberts J. et Ying Z. J., 2015) a montré que le télétravail permettait effectivement une meilleure productivité pour certains métiers qui nécessitent peu d’interactions entre collègues (par exemple, dans les centres d’appel).

L’extension (à distance) du domaine du présentéisme

Néanmoins, d’autres études (Battiston D., Blanes J. et Kirchmaier T., 2017) suggèrent que dans plusieurs secteurs (et en particulier les métiers nécessitant un travail d’équipe ou sujets à des situations d’urgence), nous serions bien moins efficaces à distance.

Le conseil national de productivité estime ainsi qu’un impact négatif à moyen terme serait à prévoir sur la productivité : « Les professions intellectuelles, celles ayant le plus de facilité pour le télétravail, sont celles pour lesquelles, paradoxalement, les contacts fréquents sont requis. »

Par ailleurs, au-delà de la nature même de l’activité, le télétravail importe parfois à distance les travers du présentéisme. Les salariés peuvent éprouver des difficultés à se déconnecter, se forcer à répondre tôt le matin et tard le soir pour montrer qu’ils travaillent, ou voir leur charge de travail mal estimée par leurs managers, qui ont généralement du mal à quantifier ce qu’ils font au quotidien.

Le télétravail a également pour conséquence une inflation de visio-conférences pour compenser le manque de communication informelle. Ces réunions sont par ailleurs le plus souvent enchaînées sans pause (même de quelques minutes, contrairement à ce qui avait cours avant la crise).

Alors que les conditions autour du travail à distance commencent tout juste à s’assouplir, les Français souhaiteront-ils finalement revenir aux conditions de travail qui étaient les leurs avant la pandémie ? Apparemment non : selon un récent sondage d’OpinionWay, neuf télétravailleurs sur dix souhaitent continuer à travailler à distance. Peut-être y trouvent-ils malgré tout des conséquences positives ?

Pierre MARIE