Depuis plus d’un an, nous vivons dans le commentaire quotidien de la crise sanitaire, des effets du Covid-19, de la vaccination, mais aussi de la résilience et des dysfonctionnements de notre système de santé, des conditions d’exercice des femmes et des hommes qui le portent à bout de bras… La crise a fait de la santé, individuelle et collective, le centre des attentions mondiales. Elle nous invite aussi, avec une urgence proportionnelle à sa sévérité, à repenser notre approche de la santé. C’est à cette condition que nous saurons éviter de nouvelles pandémies.

La prise de conscience de nos interdépendances… et de nos responsabilités

La pandémie a réactivé la perception de nos interdépendances : entre les humains (à peine trois semaines se sont écoulées entre l’apparition du Sars-CoV-2 à Wuhan et sa diffusion à Paris et Bordeaux), entre les humains et le monde animal (75 % des maladies émergentes sont issues du monde animal, et le Covid-19 est l’une d’entre elles), entre la santé humaine et la santé de la Terre (l’activité humaine joue un rôle avéré et majeur dans la propagation de maladies infectieuses).

La crise, sans nul doute le résultat d’un désordre écosystémique provoqué par l’humain (déforestation, agriculture industrielle, trafic d’espèces, commerce et consommation d’animaux sauvages), nous a aussi mis face, comme rarement auparavant, aux conséquences de nos actes, à l’ampleur de nos responsabilités au sein du vivant. Comme l’écrivait il y a un an Dominique Potier, député socialiste de Meurthe-et-Moselle et agriculteur, « pas de santé humaine sans santé de la Terre. Réparer l’une pour sauver l’autre ».

Pour une approche intégrée et élargie de la santé

Le concept « One Health » (« Une seule santé »), qui considère comme intimement liées les santés humaine, animale, végétale et environnementale et incite à prendre en considération tous les facteurs d’émergence des maladies, est devenu l’emblème de cette prise de conscience.

« Il est essentiel que les États considèrent désormais la santé animale, humaine et environnementale comme une entité globale unifiée »

Initialement promue par l’OMS, la FAO et l’OIE, l’approche « One Health » a déjà fait ses preuves à l’échelle locale, mais elle doit aujourd’hui s’institutionnaliser, trouver sa place dans nos systèmes de santé, se pérenniser – le Cirad propose par exemple que soit créé un Haut Conseil international de la santé, rassemblant des scientifiques de toutes disciplines, des représentants d’organisations internationales et de la société civile… Il est essentiel que les États considèrent désormais la santé animale, humaine et environnementale comme une entité globale unifiée, et que la santé et la protection de l’environnement et des animaux constitue une priorité pour préserver la santé des hommes.

Selon l’OMS, l’antibiorésistance pourrait causer, d’ici 2050, près de 10 millions de morts par an, et entraîner un ralentissement de la production d’aliments d’origine animale de 3 à 8 % chaque année. Au regard de l’augmentation du risque pandémique, et plus largement de la perspective de l’allongement de l’espérance de vie et de la multiplication des maladies chroniques dans nos sociétés, il est urgent de changer de modèle, en plaçant les principes de responsabilité, de prévention et de résilience au cœur de notre gouvernance de la santé. C’est notre rapport à la santé, et au monde, qui doit changer.

Déborah KHAGHANI