C’était il y a un an, nous retrouvions la possibilité d’aller et venir, après de longues semaines de confinement qui nous avaient forcé à l’immobilité, un état devenu presque étranger à la société d’agitations continues dans laquelle nous vivions alors. Il y a un an, le 11 mai 2020, nous reprenions – très progressivement – nos habitudes d’allers et de venues, de promenades, de voyages, pas exactement comme avant mais avec le sentiment tout de même d’être sortis de la crise.

Drôle d’idée en réalité tant le répit fut bref. Les règles de couvre-feu, la limitation des déplacements, l’instauration de nouveaux confinements ont très rapidement créé de nouvelles assignations. En un an, nous avons renoncé à la mobilité, nous l’avons retrouvée, nous l’avons perdue à nouveau, elle devrait revenir mais elle s’est transformée.

« Avant la crise, le monde était cette vaste étendue que l’on arpentait à sa guise, par tous les temps et tous les modes de transports. Aujourd’hui, il s’est rétréci »

La mobilité s’exerce toujours dans un périmètre, plus ou moins ouvert. Avant la crise, le monde était cette vaste étendue que l’on arpentait à sa guise, par tous les temps et tous les modes de transports. Aujourd’hui, il s’est rétréci. Des frontières restent fermées, d’autres s’ouvrent sous conditions de pass sanitaire. La mobilité qui est possible dans ce nouveau périmètre n’a plus grand-chose à voir avec celle que nous avons connue. Tout est désormais plus compliqué.

« Le ralentissement a néanmoins permis un examen critique de la vitesse »

Le ralentissement a néanmoins permis un examen critique de la vitesse, comme si subitement, et à la faveur d’une crise sans précédent, nous sortions d’une forme d’illusion collective sur la compatibilité, désirée mais difficile, entre mobilité et environnement. En reconsidérant la nécessité de certains déplacements objectivement inutiles, en regardant de face l’impact environnemental des transports et la part du mouvement, inconciliable avec le climat et fatigante, éprouvante pour l’individu, nous avons remis en cause des modèles qui suscitaient la critique mais non l’action véritable. C’est la victoire du train de nuit sur le long-courrier low cost, celle de David contre Goliath dans le domaine des transports.

Mais les choses ne sont jamais si simples, on ne passe pas d’un état à un autre sans transition ni paradoxes. Car serons-nous prêts à renoncer aux grandes distances parcourues en un éclair, quand la mobilité sera de retour ? N’est-ce pas avec une certaine hâte que l’on s’imagine retrouver les Tropiques au mois de janvier prochain quand l’hiver sera gris ? Ne va-t-on pas se surprendre à guetter les voyages à bas prix, et pour l’autre bout du monde ?

« Notre mobilité a perdu de son sens en ne se réduisant plus qu’à celle du quotidien »

Car au fond, depuis plus d’un an, à l’exception de quelques épisodes de relâche autorisées ou auto-octroyés, nous restons chez nous, dans les lieux du quotidien, sans perspective de découverte. Notre mobilité a perdu de son sens en ne se réduisant plus qu’à celle du quotidien. La crise nous a privé du monde, à la manière dont elle frappe, comme en Inde tout récemment encore, et à travers nos réponses politiques, quand un Etat décide la fermeture des frontières ou modifie ses conditions d’entrée. Elle nous a aussi privé de ce monde, qui n’est pas l’international, mais un département, une région, ces quelques kilomètres qui suffisent à créer un dépaysement. Et c’est précisément cela que la mobilité permet : un changement de décor de temps à autre, fondamental, nécessaire, comme une grande bouffée d’air après une tentative d’apnée.

La question qui s’impose alors est la suivante : quel usage ferons-nous, une fois retrouvée, de cette liberté patiemment attendue et amplement méritée ? Et avant cela : Faut-il vraiment y croire au retour de la vie mobile ? L’année qui s’est écoulée a montré qu’elle n’était ni acquise ni intouchable. Continuons d’observer et rendez-vous pour un prochain bilan le 11 mai 2022 ?

Marinette VALIERGUE